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In memoriam of Professor Jean Sacton (1934-2021)

Bruxelles, février 2021

Hommage au Professeur Jean Sacton (1934-2021)

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Jean Sacton Professeur émérite de l’Université Libre de Bruxelles et ancien directeur de l’Institut Interuniversitaire des Hautes Energies s’est endormi en son domicile à Ixelles, le 12 février 2021, il avait 86 ans.

Pour les membres de la physique des hautes énergies de sa génération et de celle qui lui a succédé, Jean Sacton représentait la figure paternelle centrale de ce domaine de recherche, de sa fondation et dans les progrès fulgurants qu’il a connus, jusqu’aux années 2000. Il a permis à la Belgique d’être au premier rang dans de nombreuses découvertes de physique fondamentale et dans le développement de technologies de pointe que cela nécessite. Mais s’il reste tant présent dans nos esprits c’est qu’il conjuguait ses qualités scientifiques avec de grandes qualités humaines, de patron ferme mais toujours présent, attentif, chaleureux et intentionné.

Jean Sacton défend à l’ULB en 1956 son mémoire de licence portant sur les atomes mésiques dans l’émulsion nucléaire. Toujours sous la direction du Professeur Vanderhaeghe, il entame ensuite une thèse de doctorat. C’est le temps des premières collaborations internationales et ses activités durant sa thèse mettent déjà en valeur ses qualités de meneur d’équipes de recherche et son grand sens politique dans le domaine scientifique.

De 1960 à 1965, Jean Sacton s’entoure de jeunes chercheurs dont certains formeront le noyau d’un laboratoire dont la renommée internationale ne fera que grandir. Leur recherche porte essentiellement sur les propriétés des hyperfragments produits par interaction de mésons Kavec les noyaux de l’émulsion nucléaire. Elle nécessite d’importants moyens humains mobilisés pour le dépouillement de l’émulsion au moyen de microscopes, ce qui conduira à l’engagement d’un nombre important de techniciennes. Il défend sa thèse en 1961. Dans le ”Service de Physique des Particules Élémentaires”, créé en 1964, une large autonomie de gestion est accordée à Jean Sacton, jeune Chargé de Cours Associé, qui devient de fait le ”patron” du laboratoire. Dés 1965, avec l’aide de Jacques Lemonne, s’annonce la première diversification dans les techniques expérimentales avec l’usage de la chambre à bulles à liquide lourd dont le dépouillement se fait au ”Laboratoire Interuniversitaire Belge des Hautes Energies”.

A la fin des années 1960, Jean Sacton est nommé Professeur Associé et devient membre de divers comités et commissions intra et extra universitaires dont le comité de direction du Laboratoire Interuniversitaire Belge des Hautes Energies, du Directoire des Chambres à Traces du-dit laboratoire, du conseil d’administration du Centre de Calcul ULB-VUB (en tant que délégué de la Faculté des Sciences). C’est également à cette époque qu’il devient titulaire du cours de ”Physique des Particules” dans le cadre des cours de Physique générale approfondie de la première licence en sciences physiques. Il est également secrétaire du Jury de licence en sciences physiques, tâche dont il s’acquittera pendant vingt ans.

1972 marque la fondation de l’Institut Interuniversitaire des Hautes Energies (IIHE) qui regroupe, dès la création de la VUB, la recherche expérimentale en physique des particules élémentaires des deux universités. Cet évènement est largement dû aux efforts déployés par J. Sacton durant la décennie qui précède pour imposer une recherche expérimentale de premier plan reconnue comme telle par la communauté internationale. L’IIHE, codirigé pendant de nombreuses années par ses deux fondateurs, Jean Sacton pour l’ULB et Jacques Lemonne pour la VUB, sera installé sur le campus de la VUB à la plaine des Manœuvres en 1976 où une surface de 2500 m2, répartie sur deux étages, lui est offerte. L’IIHE, devenu le centre principal de la recherche expérimentale en physique des particules en Belgique, promeut une étroite collaborations avec les autres laboratoires belges, de l’Université d’Anvers, de l’Université Mons-Hainaut et un peu plus tard de l’Université Catholique de Louvain-la-Neuve.

Dans les années 1970, l’IIHE participe pleinement au dépouillement et à l’analyse des données des chambres à bulles géantes (GARGAMELLE et BEBC) exposées à des faisceaux de neutrinos. Cette évolution va de pair avec l’incursion de détecteurs électroniques et des ordinateurs pour l’enregistrement des évènements et pour leur analyse. Ces deux nouvelles technologies deviendront prépondérantes dans les activités du laboratoire. En 1973, un des trois évènements confirmant de manière spectaculaire l’existence du courant faible neutre est identifié à Bruxelles. Bien plus tard, en 2009, Jean Sacton recevra, avec les autres membres de la Collaboration GARGAMELLE, le prix de la Société Européenne de Physique pour cette découverte. Mais les recherches poursuivies à cette époque ont aussi conduit à d’autres grandes ”premières” pour J. Sacton dont la première observation directe de particules charmées chargées dans l´émulsion nucléaire et la mesure en chambre à bulles de la violation de l’invariance d’échelle dans les diffusions profondément inélastiques.

Les années 1980 sont marquées par une reconversion importante. En parallèle de l’implication dans de nouvelles expériences ”neutrinos” (notamment dans la chambre à bulles de 15 pieds du laboratoire Fermi aux Etats-Unis), des projets de grandes collaborations internationales (plusieurs centaines de physiciens et ingénieurs) auprès de collisionneurs de grandes dimensions se mettent en place. Ce nouveau contexte expérimental implique une refonte importante du laboratoire. Elle mobilisera tout le talent de gestionnaire de J. Sacton. Les travaux de dépouillement des plaques d’émulsion et des clichés de chambre à bulles nécessitaient un personnel technique important composé dans une large proportion de travailleuses à mi-temps. Ce personnel ne se justifie plus dans le cadre des expériences électroniques dont les données sont immédiatement informatisées. Il fallut donc procéder à une reconversion des techniciennes pour limiter au maximum des licenciements. L’IIHE en collaboration avec l’U.I. Antwerpen et de l’Université de Mons-Hainaut ont contribué à l’expérience DELPHI, de mesure de précision des paramètres du Modèle Standard, auprès du collisionneur électron-positon LEP du CERN, pour laquelle ils ont construit des détecteurs électroniques dits ”chambres à muons”. D’autre part, le laboratoire s’engage, avec le groupe de l’UIA, dans la collaboration internationale H1 auprès de l’unique collisionneur électron-proton, HERA, au laboratoire DESY de Hambourg. La contribution belge au détecteur a consisté en la construction de deux chambres proportionnelles multifils cylindriques de 2.30 m de longueur et de l’électronique d’acquisition de l’ensemble des chambres proportionnelles multifils du détecteur. Au cours de la réalisation de ces deux projets, Jean Sacton a continuellement veillé à la reconversion du personnel technique du laboratoire.

En parallèle, les responsabilités de J. Sacton s’affirment au plan international : il devient entre autres, membre d’un groupe de travail créé par le Comité Européen pour les Futurs Accélérateurs, membre du Comité du Super Synchrotron à Protons du CERN, membre du Comité de la Politique Scientifique du CERN, membre du Conseil Scientifique Elargi du Laboratoire de DESY (Hambourg), membre du Comité International pour les Futurs Accélérateurs et membre du ”High Energy Physics Coordination Computing Committee”. Mais surtout, il assure, de 1984 à 1987, la présidence du Comité Européen pour les Futurs Accélérateurs (ECFA).

En 1991, Jean Sacton parfait sa carrière académique et devient, pour 4 ans, Doyen de la Faculté des Sciences. Il reste très présent comme directeur du laboratoire et laisse aux équipes qu’il a largement contribué à mettre sur pied le soin de poursuivre l’analyse des expériences DELPHI et H1 ainsi que de l’expérience CHORUS sondant les oscillations de neutrinos ainsi que de préparer la participation de l’IIHE à l’expérience CMS du collisionneur proton-proton LHC du CERN, à la recherche du boson de Brout-Englert-Higgs.

Jean Sacton, conseiller écouté des Autorités et respecté par toute la communauté universitaire pour sa profonde connaissance des dossiers, son souci de dégager des solutions équitables et positives et son franc parler, est sollicité pour participer à un nombre sans cesse croissant de commissions et comités prestigieux, entre autres, à l’ULB, au FNRS, au FWO et au FRIA. Sa carrière internationale se tourne résolument vers le futur, il devient en 1994 président de la Commission ”Particles and Fields” de l’International Union for Pure and Applied Physics” (IUPAP). Il sera président de 1991 à 1994 du ”High Energy Physics Computer Coordinating Committee” et membre du Comité International pour les Futurs Accélérateurs (ICFA) en 1994. Il accède à l´éméritat en 1999.

Jean Sacton a vécu une aventure scientifique majeure, celle du développement extraordinaire de la physique des particules depuis la découverte des premiers mésons jusqu’à la consécration du Modèle Standard. Par sa force tranquille, son professionnalisme, sa clairvoyance et son esprit d’entreprise, il a fondé, approfondi et patronné ce domaine de recherche à l’ULB et l’a fait rayonner bien au-delà. Il restera une figure emblématique et tutélaire qui suscite le respect et la reconnaissance.

Hommage rédige par Daniel Bertrand et Laurent Favart

 

Brussels, Feb 2021

Tribute to Professor Jean Sacton (1934-2021)

 

Jean Sacton, professor emeritus of the Brussels Free University and passed director of the Inter-university Institute of High Energies, died peacefully in his home in Ixelles (Brussels) on February 12, 2021, he was 86 years old.

For members of high energy physics of his generation and those which succeeded him, Jean Sacton was the central father figure in this area of research, from its foundation and in the dazzling progress that it has known, until the 2000s. He allowed Belgium to be at first in

many discoveries of fundamental physics and in the development of advanced technologies that this requires. But if it remains so present in our minds it is because he combined his scientific qualities with great human ones, as a firm boss but always present, attentive, warm and intentioned.

Jean Sacton defended at ULB in 1956 his bachelor’s thesis on mesic atoms in nuclear emulsion. Still under the supervision of Professor Vanderhaeghe, he then began his PhD. It is the time of the first international collaborations and his activities during his thesis already show his qualities as leader of research teams and his great political sense in science.

From 1960 to 1965, Jean Sacton surrounded himself with young researchers, some of whom will form the nucleus of a laboratory whose international fame will only grow. Their researches focus on the properties of hyperfragments produced by the interaction of mesons Kwith the nuclei of the nuclear emulsion. It requires significant human resources mobilized for the scanning of the emulsion foils with microscopes, which will lead to the hiring of a significant number of technicians. He defended his thesis in 1961. In the "Department of Elementary Particle Physics”, created in 1964, Jean Sacton, now young Associate Lecturer, benefits from a large autonomy and in fact becomes the” boss” of the laboratory. In 1965, with the help of Jacques Lemonne, the first diversification into experimental techniques with the use of the heavy liquid bubble chamber took place at the” Belgian Interuniversity Laboratory of High Energies”.

At the end of the 1960s, Jean Sacton was promoted Professor and became member of various intra and extra university committees including the management of the Belgian Interuniversity Laboratory for High Energies, of its Track Chambers Directory, of the board of directors of the ULB-VUB Computing Center (as delegate of the Sciences Faculty). It was also at this time that he became in charge of the Particle Physics lectures as part of the General Physics ones of the” first license” in Physics. He was also appointed as secretary of the Jury of license in Physics, a task which he will carry out for twenty years.

1972 marks the foundation of the Interuniversity Institute for High Energies (IIHE) which brings together, since the creation of the VUB, the experimental research in elementary particle physics of the two universities. This event is largely due to the efforts of J. Sacton during the preceding decade to impose leading experimental research recognized as such by the international community. The IIHE, co-directed for many years by its two founders, Jean Sacton for ULB and Jacques Lemonne for the VUB, is installed on the VUB campus in 1976 where a surface area of 2,500 m2, spread over two floors, is offered. The IIHE, which has become the main center for experimental research in particle physics in Belgium, promotes close collaboration with other Belgian laboratories, the University of Antwerp, the University of Mons-Hainaut and a little later of the Catholic University of Louvain-la-Neuve.

In the 1970s, the IIHE strongly contributed to the scanning and the analysis of the giant bubble chamber data (GARGAMELLE and BEBC) exposed to neutrino beams. This evolution goes hand in hand with the implementation of electronic detectors and computers for recording and analyzing the events. These two new technologies will become predominant in the laboratory’s activities. In 1973, one of three events confirming in a spectacular way the existence of the weak neutral current is identified in Brussels. Much later, in 2009, Jean Sacton will receive, together with the other members of the GARGAMELLE Collaboration, the High Energy and Particle Physics Prize of the European Society of Physics for this discovery. But the research carried out at this time also led to other great” firsts” for J. Sacton, the first direct observation of charged charmed particles in nuclear emulsion and the measurement of the scale invariance violation in deeply inelastic scattering, in bubble chamber.

The 1980s were marked by a major reconversion. In parallel with the involvement in new neutrino experiments (in particular in the 15 foot bubble chamber of FermiLab in the United States), major international collaboration projects (several hundred physicists and engineers) at colliders are being set up. This new experimental context implies a major overhaul of the laboratory that will mobilize all the manager skills of J. Sacton. The scanning the emulsion foils and of chamber bubbles photographs required a large technical staff. This personnel is no longer justified in the context of electronic experiments whose data is immediately computerized. It was therefore necessary to retrain the technicians to limit as much as possible layoffs. The IIHE in collaboration with the U.I. Antwerpen and the University of Mons-Hainaut contributed to the DELPHI experiment, for precision measurement of Standard Model parameters, at CERN’s LEP electron-positron collider, for which they have built so-called” muon chamber” electronic detectors. On the other hand, the laboratory engages, with the UIA group, in the international H1 Collaboration at the unique electron-proton collider, HERA, at the DESY laboratory in Hamburg. The Belgian contribution to the detector consisted of the construction of two cylindrical multi-wire proportional chambers 2.30 m in length and electronic data acquisition all of the detector’s multi-wire proportional chambers. During the realization of these two projects, Jean Sacton continuously ensured the retraining of the technical laboratory staff.

At the same time, J. Sacton’s responsibilities were asserted internationally : he became among others member of a working group created by the European Committee for Future Accelerators, member of the CERN Super Proton Synchrotron Committee, member of the CERN Scientific Policy Committee, member of the Extended Scientific Council of the DESY Laboratory (Hamburg), member of the International Committee for Future Accelerators and member of ”High Energy Physics Coordination Computing Committee”. But above all, from 1984 to 1987, he chaired the European Committee for the Future Accelerators (ECFA).

In 1991, to perfect his academic career, Jean Sacton became, for 4 years, Dean of the Sciences Faculty. He remained very present as director of the laboratory and left to the teams, that he has largely contributed to setting up, the task of performing the analysis of DELPHI and H1 data as well as the CHORUS experiment probing neutrino oscillations and for the preparation of the IIHE contribution to CMS experiment at the proton-proton LHC collider at CERN, searching for the Brout-Englert-Higgs boson.

Jean Sacton, listened adviser by the Authorities and respected by the entire university community for his in-depth knowledge of the issues, his concern for finding fair and positive solutions and his outspoken, is increasingly called upon to participate in an ever-growing number of prestigious committees, among others, at ULB, FNRS, FWO and FRIA. His international career turned resolutely towards the future, in 1994 he became president of the” Particles and Fields” Commission of the” International Union for Pure and Applied Physics” (IUPAP). He will be Chairman from 1991 to 1994 of the” High Energy Physics Computer Coordinating Committee” and member of the International Committee for Future Accelerators (ICFA) in 1994. He obtained emeritus in 1999.

Jean Sacton has lived a major scientific adventure, that of the extraordinary development of particle physics from the discovery of the first mesons to the consecration of the Standard Model. By his quiet strength, professionalism, foresight and entrepreneurial spirit, he founded, developed and sponsored this field of research at ULB and made it shine far beyond. He will remain an emblematic and tutelary figure who arouses respect and recognition.

Tribute written by Daniel Bertrand et Laurent Favart